mercredi 25 juin 2014

Ban Ki-moon: «L'Arctique pourrait être libre de glace en 2030»

Ban Ki-moon:
«L'Arctique pourrait être libre de glace en 2030»

El glaciar Helheim en el Fiordo Sermilik en Groenlandia.

Le glacier Helheim en Sermilik Fjord au Groenland. 
EFE/NICK COBBING

Le changement est dans l’air du temps

Éditorial publié dans le International Herald Tribune (18 septembre 2009)

Il y a deux semaines, je me suis rendu dans l’Arctique. J’ai vu les restes d’un glacier qui, il y a quelques années seulement, était une imposante masse de glace. Il s’était effondré. Il n’avait pas fondu lentement; il s’était effondré. J’ai dû naviguer neuf heures depuis les lieux d’habitation les plus septentrionaux pour atteindre la calotte glaciaire. Dans quelques années seulement, un navire pourra peut-être atteindre le pôle Nord sans rencontrer aucun obstacle sur sa route. L’Arctique pourrait être pratiquement libre de glaces d’ici à 2030.
Les scientifiques m’ont fait part de leurs conclusions alarmantes. L’Arctique est notre canari dans la mine de charbon, il annonce les bouleversements qui toucheront chacun d’entre nous. J’ai été consterné par le rythme rapide des changements climatiques qui s’y produisent. Pire encore, ces changements accélèrent à leur tour le réchauffement de la planète. En fondant, le permafrost libère du méthane, un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Les glaces qui fondent au Groenland menacent d’élever le niveau des mers.
Pendant ce temps, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter dans le monde.
Je suis donc d’autant plus convaincu que nous devons agir – maintenant.
À cette fin, le 22 septembre, j’ai décidé d’organiser à l’ONU un sommet extraordinaire sur les changements climatiques réunissant une centaine de dirigeants du monde. Il s’agira de la plus importante rencontre de chefs d’État et de gouvernement jamais organisée sur ce thème. Ensemble, ces dirigeants devront relever le défi suivant : saisir l’occasion de la crise climatique pour promouvoir une croissance plus sûre, plus propre et plus durable pour tous.
La solution se trouve à Copenhague, où les représentants des gouvernements se réuniront pour négocier un nouvel accord mondial sur le climat en décembre. J’ai un message simple pour les dirigeants du monde : dans l’intérêt du monde, vous devez conclure un accord équitable, efficace et ambitieux à Copenhague, faute de quoi nous en paierons le prix pendant de nombreuses générations.
Les changements climatiques sont le principal problème géopolitique de notre temps. Ils modifient l’équation mondiale du développement, de la paix et de la prospérité. Ils menacent les marchés, l’économie et les fruits du développement. Ils peuvent épuiser les réserves de nourriture et d’eau, provoquer des conflits et des mouvements de population, déstabiliser les sociétés fragiles, voire renverser des gouvernements.
Suis-je trop alarmiste? D’après les meilleurs scientifiques du monde, non. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, les émissions de gaz à effet de serre dans le monde devront commencer à diminuer au cours de la décennie qui vient si nous voulons éviter de libérer des forces naturelles si puissantes qu’elles échapperont à tout contrôle.
Dix ans, c’est moins que l’espérance de vie politique de nombre de ceux qui participeront au sommet. La crise climatique est inscrite à leur ordre du jour.
Il existe une solution : une croissance durable fondée sur des techniques et des politiques respectueuses de l’environnement, qui privilégient les faibles émissions de carbone, contrairement aux modèles actuels à forte émission de carbone. Nombre de programmes nationaux de relance élaborés au lendemain de la récession économique mondiale comportent un important volet environnement créant des emplois et donnant aux pays les moyens de briller dans l’économie verte du XXIe siècle.
Le changement est dans l’air du temps. La solution réside dans un accord mondial sur le climat visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à limiter la hausse de la température à un niveau scientifiquement sûr. Un accord qui vise à promouvoir l’énergie propre. Et surtout, un accord qui protégera et aidera ceux qui sont les plus exposés aux conséquences inévitables des changements climatiques.
Il faut une volonté politique au niveau le plus élevé – celui des présidents, des chefs de gouvernement et des premiers ministres – qui se traduise par des progrès rapides à la table des négociations. Il faut pour cela davantage de confiance entre les nations, davantage d’imagination, d’ambition et de coopération.
J’attends des dirigeants du monde qu’ils se mettent au travail et se parlent l’un à l’autre – et non l’un après l’autre. J’attends d’eux qu’ils redoublent d’efforts pour résoudre les principaux problèmes politiques qui ont jusqu’ici gelé les négociations mondiales. L’ironie veut que cette expression était jusqu’à récemment synonyme de lenteur. Mais les glaciers que j’ai vus dans l’Arctique il y a quelques semaines fondent à un rythme plus rapide que celui des progrès accomplis par l’humanité pour les préserver.
Nous devons placer les intérêts à long terme de la planète avant les intérêts politiques à court terme. Les dirigeants nationaux doivent se comporter en dirigeants du monde et avoir une vision à long terme. Les dangers qui nous menacent aujourd’hui dépassent les frontières. Nous aussi devons penser au-delà des frontières.
La rencontre de Copenhague n’est pas censée régler tous les détails. Mais un accord mondial efficace sur le climat devra amener tous les pays à œuvrer, selon leurs capacités, à la réalisation d’un objectif commun à long terme. Voici, selon moi, les clefs du succès :
  • Premièrement, chaque pays doit faire tout ce qui est possible pour réduire les émissions provenant de toutes les principales sources. Les pays industrialisés doivent relever leurs objectifs de réduction des émissions qui, pour le moment, sont bien loin des niveaux recommandés par le Groupe d’experts intergouvernemental. Les pays en développement doivent eux aussi freiner l’augmentation de leurs émissions et accélérer la croissance verte dans le cadre de leurs stratégies de réduction de la pauvreté.
  • Deuxièmement, un accord efficace doit aider les populations les plus vulnérables à s’adapter aux conséquences inévitables des changements climatiques. C’est à la fois un devoir moral et un investissement intelligent pour un monde plus stable et plus sûr.
  • Troisièmement, les pays en développement doivent recevoir le financement et les technologies qui leur permettront de passer plus rapidement à une croissance à faibles émissions de carbone. L’accord devra aussi libérer les investissements privés, notamment par le biais des marchés du carbone. Quatrièmement, ces ressources doivent être gérées de manière équitable et distribuées de telle sorte que tous les pays auront leur mot à dire.
Cette année, à Copenhague, nous avons une occasion unique d’agir positivement sur le cours des choses. Nous pouvons non seulement empêcher un désastre, mais aussi entamer une transformation fondamentale de l’économie mondiale.
De nouveaux courants politiques puissants nous entraînent aujourd’hui. Des millions de citoyens se mobilisent. Des entreprises imaginatives ouvrent la voie vers des énergies moins polluantes. Nous devons saisir cette occasion pour prendre des mesures résolues face aux changements climatiques. Une telle occasion ne se représentera pas de sitôt.
Le changement est dans l’air du temps. Concluons un accord assurant à tous un avenir meilleur.
 
 

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